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Vallée des l'Andelle, la Filature Levavasseur en impose. Depuis 1842, on y file du coton venu des Amériques. Le 23 août, elle est attaquée par un feu ravageur. Historienne et cheffe de projet culturel au Département de l'Eure, Catherine Herr-Laporte nous conte cette histoire, quelque peu maudite...
Avril 2024, le rendez-vous est pris avec Catherine Herr-Laporte et Benjamin Rivet, le photographe-vidéaste du Deux Sept. Mais qui a bien pu avoir l'idée saugrenue de se retrouver aux aurores pour filmer la Filature ? "C'est pour voir le soleil se lever, la lumière sera plus belle et les images aussi" confie le spécialiste.
L'Andelle coule toujours à côté de cet édifice majestueux et pourtant évidé. Mais que vient donc faire une cathédrale industrielle, d'inspiration néogothique anglaise ? Catherine Herr-Laporte nous révèle : "Au cours du 19ème siècle, le baron Jacques Édouard Levavasseur fait l'acquisition progressive d'un vaste domaine le long de l'Andelle, vallée largement marquée par l'industrialisation et en particulier par l'activité textile. Il y fait construire 5 usines, dont 3 filatures. À sa mort en 1842, son fils, Charles Levavasseur, hérite de l'entreprise familiale. Mais 3 ans après, un incendie ravage la totalité du site.
Déambuler en ces lieux est saisissant. Seuls le cours de l'eau et les oiseaux viennent briser un silence parfois mélodieux, parfois assourdissant. "Ambitieux, Charles Levavasseur imagine un projet qui implique notamment de modifier le cours de l'Andelle en faisant percer un canal afin d'avoir davantage de force hydraulique pour alimenter sa nouvelle usine."
"La grande filature de coton (96m de long et 36m de haut) entre en production en 1861 avec à ses côtés une "petite" filature, en 1868. Ces deux usines doivent ainsi produire 4 tonnes de fil par jour, soit 4,5 fois plus que ses concurrents de l'époque, grâce à 600 employés. Ces chiffres ne seront jamais atteints. Les filatures Levavasseur se heurtent à la concurrence des cotonnades anglaises, qui sont moins chères. L'arrêt des importations de coton américain en raison de la guerre de Sécession (1861-1865) est un autre coup dur."
Malheureusement, le pire est à venir... "La malédiction se poursuit avec un grand incendie qui se déclare dans la grande filature, le 23 août 1874. En quelques heures, tous les planchers en bois s’effondrent, toutes les machines sont détruites et l'usine est en ruine. Ce violent incendie a probablement été provoqué par l'effet de loupe produit par les vitraux de rosaces sur les balles de coton stockées dans les combles. Par chance, l'incendie a eu lieu un dimanche, seul jour de repos des ouvriers, et aucun blessé n'est à déplorer."
150 ans plus tard, le Département de l'Eure, propriétaire des lieux, entend donner un nouveau souffle à ce vestige vertigineux de l'architecture industrielle du 19ème. En plus de toutes ces actions, le Département de l’Eure veut graver dans le marbre sa volonté de protéger le site. Il va demander sa protection au titre des Monuments historiques pour « assurer sa préservation, le respect de son intégrité et de son authenticité ».