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Clément Mirguet a commencé la musique en grattant une guitare classique au conservatoire de Vernon vers 6 ans. Devenu compositeur pour le tableau final des JO valides de Paris 2024, il se souvient qu’il pratiquait lui-même, gamin, la gymnastique à haut niveau, à Vernon aussi : « Mon objectif, c’était les JO de Sydney. Mais je me suis blessé et j’ai tout arrêté. Alors, participer aux JO d’une autre façon, c’est presque une revanche ! » Aujourd’hui habitant de Saint-Marcel, l’artiste partage son temps entre la régie et le son sur des tournées, et la composition, pour lui et pour les autres. Interview.
Comment ça va depuis la cérémonie de clôture des JO, le 11 août ?
« Je suis parti en vacances directement après. Le contraste est un peu violent, mais je ne suis pas mécontent. Je regarde quand même encore régulièrement les retours qui tombent, qui sont globalement très positifs. Même si on ne peut pas plaire à tout le monde ; d’ailleurs, il ne faut pas faire ce métier si on veut plaire à tout le monde ! »
Comment en êtes-vous venu à composer la musique originale de cet événement international ?
« Je travaille depuis 18 ans avec Thomas Jolly (le directeur artistique des cérémonies des JO de Paris 2024, ndlr). J’ai composé la musique de tous ses spectacles. On a créé un univers visuel et sonore qui fait partie intégrante de la mise en scène. Alors quand Thomas a été sélectionné par Paris 2024, il a réuni des membres de son équipe pour travailler ensemble sur la cérémonie de clôture, et je l’ai donc rejoint sur ce projet. C’est une vraie chance ! »
Comment avez-vous travaillé pour composer la musique du spectacle de la cérémonie de clôture ?
« Thomas m’a appelé il y a environ un an et on a commencé à bosser ensemble dessus. D’habitude, je travaille à partir d’un texte : on le lit, on parle dramaturgie, mise en scène… et mon boulot, c’est de traduire des intentions en musique. Là, il n’y avait pas de texte. Mais après la cérémonie d’ouverture qui se passait dans plusieurs endroits de Paris, Thomas voulait retrouver un lieu où les spectateurs auraient les yeux fixés sur un plateau, une scène, un peu comme au théâtre. On a donc imaginé une forme opératique, avec une musique omniprésente et très narrative. On a travaillé à partir d’un storyboard, en partant de l’idée du Voyager Golden Record, ce disque d’or envoyé dans l’espace en 1977 avec des sons de la Terre enregistrés dessus. L’idée était de faire revenir ce « golden voyageur » sur Terre à un moment où l’humanité aurait quasiment disparu. Et donc de voir comment, si ça arrive, on serait capables de retrouver les fondements de l’humanité et de l’olympisme. »
Par qui a été interprétée cette bande-son ?
« J’ai travaillé notamment avec un orchestre de 80 musiciens et une maîtrise de 35 enfants (je pense que cette génération a des choses à dire, j’avais envie de les mettre en avant). On a aussi travaillé avec les 110 performers (danseurs, circassiens, pratiquants de parkour…) pour faire évoluer les morceaux ensemble. C’était riche, on se nourrit tous les uns les autres. »
Que ressentiez-vous, à l’idée de travailler pour un spectacle qui allait être vu par des millions de personnes à travers le monde ?
« Je travaillais surtout de chez moi, donc je n’ai pas vu de grosse différence avec d’habitude… à part qu’il y avait beaucoup trop de monde dans la boucle ! Mais j’ai eu une certaine liberté jusqu’à avril-mai. Après ça, on a enregistré avec les orchestres, puis les répétitions sont arrivées… Au final, je me suis vraiment rendu compte du truc quand on a livré la version définitive de la musique, une semaine avant la fin. On s’est dit : « il faut que ça marche, parce que sinon, on va passer pour des cons ! »
Et en voyant le résultat le 11 août ?
« Il faut savoir qu’on a découvert le show en même temps que tout le monde. Les contraintes de lieux, de confidentialité, de logistique pour les répétitions, n’ont pas permis de voir le show dans son intégralité : il manquait la lumière, les costumes… Alors en voyant le résultat, on a pris une claque : c’était très beau de découvrir ce sur quoi on avait travaillé, et que tout fonctionne comme prévu… même si la veille encore, on a eu des doutes ! Mais c’est la force du spectacle vivant : il y a toujours des choses qui se passent, mais on se serre les coudes, et on y va. »
Vous habitez à Saint-Marcel : est-ce que ça influence, d’une façon ou d’une autre, votre création ?
« Je ne sais pas si ça m’influence, mais en tout cas j’adore m’y retrouver avec mes filles, au calme, pour travailler chez moi, avec les oiseaux dans le jardin… Ce sont des conditions de travail hyper confortables, à 1h de Paris. Je n’ai pas du tout l’intention de bouger. »
Avez-vous d’autres projets qui se profilent maintenant que l’expérience JO est terminée ?
« J’ai écrit pour le jeune public, j’ai commencé un troisième album solo… J’ai aussi reçu quelques propositions cet été, que j’étudierai à la rentrée. J’aimerais bien, peut-être, faire une musique de film. Je veux choisir des projets artistiques où la musique a une importance dans la narration. Je pense à ces films comme Interstellar, de Christopher Nolan, qui m’ont marqué, aussi, grâce à la musique.